29 mai 2024
Temps de lecture : 6 min
Depuis 6 ans, vous êtes le grand ordonnateur des 4 cérémonies officielles des Jeux olympiques et paralympiques de Paris 2024. Comment gérez-vous ce défi titanesque qui se rapproche ?
Effectivement, il faut absorber 4 événements gigantesques, dont la cérémonie d’ouverture des Jeux olympiques qui, à elle seule, représente l’équivalent de 10 célébrations ! J’ai cependant la chance de travailler entouré de la confiance du CIO, et de m’appuyer sur Thomas Jolly avec lequel nous formons un duo qui fonctionne parfaitement. Avec l’appui de Tony Estanguet également, nous constituons donc une équipe qui parle d’une seule voix et avance dans le même sens. Et pour l’instant, je n’ai pas une once de déception par rapport à l’ambition de départ, sachant qu’à date nous sommes toujours sur une cérémonie d’ouverture hors du stade.
Nous poursuivons notre feuille de route initiale, notre sujet du moment étant l’organisation des répétitions du spectacle sur la Seine.
Il n’a rien de choquant ni d’absurde que, à la demande du président de la République, nous ayons travaillé sur un autre scénario, ce plan B à activer si la situation nous y obligeait. Néanmoins, nous poursuivons notre feuille de route initiale, notre sujet du moment étant l’organisation des répétitions du spectacle sur la Seine. Un véritable “Rubik’s Cube” à monter en toute discrétion pour ménager l’effet de surprise.
Travailler sous contrainte n’étant pas votre fort, comment restez-vous créatif dans cet environnement olympique mais aussi politique ?
Je n’ai jamais voulu me laisser imposer de contraintes, en dehors des très nombreuses inhérentes à ce type d’événements. Tony Estanguet est venu me chercher en sachant que la contrainte serait pour moi un moteur créatif, et non un carcan dans lequel je resterai enfermé. En revanche, il faut accepter quelques règles du jeu, sans pour autant transiger sur le fond.
Les préfectures de Paris et de celle de la Région qui gère la Seine sont à notre écoute, et le projet est soutenu par le pouvoir politique, d’Anne Hidalgo à Emmanuel Macron. Grâce à ce soutien, tout le monde s’aligne et nous aide à son maximum, ce qui ne nous empêche pas de rencontrer 1 000 difficultés chaque jour !
Le narratif de ces Jeux a véritablement débuté le 8 mai avec l’arrivée de la flamme olympique à Marseille. Vous y êtes aussi pour quelque chose également, non ?
M’occuper de cet événement était pour moi une évidence car je suis Marseillais. Il fallait symboliser à la fois la France entière accueillant la flamme olympique, l’histoire particulière qui lie notre pays à la Grèce et à l’origine moderne des Jeux, mais aussi celle d’une cité phocéenne créée par les Grecs.
Partager les Jeux a véritablement pris son sens le 8 mai dernier, d’ailleurs je n’ai jamais vu autant de monde sur le Vieux-Port que ce jour-là !
Partager les Jeux a véritablement pris son sens le 8 mai dernier, d’ailleurs je n’ai jamais vu autant de monde sur le Vieux-Port que ce jour-là ! Et j’assume pleinement le choix de l’artiste Jul, un choix qui parle à la jeunesse, pour cette célébration qui a fait l’unanimité et a généré des images magnifiques. A ma grande satisfaction, ce spectacle a été, à la virgule près, ce que j’avais imaginé.
Un narratif qui raconte la France. Comment fait-on émerger les valeurs de notre pays dans la période actuelle marquée par les clivages ?
Le narratif de la cérémonie du 26 juillet sera infiniment plus travaillé et plus puissant, bien entendu. Nous y avons réfléchi notamment avec quatre auteurs dont nous dévoilerons les noms très prochainement. Ce n’est pas tant notre histoire que nous mettons en scène – celle-ci s’inscrivant notamment en fond de scène au travers des monuments de Paris – mais bel et bien nos valeurs et une certaine vision de la France. Nous vivons une période où plus rien ne fait consensus, mais des mots comme diversité, altérité, fraternité devraient, je l’espère, nous réunir.
Quelles ont été vos sources d’inspiration en la matière ?
35 ans après, Jean-Paul Goude et la cérémonie du bicentenaire de la Révolution française restent une référence. Goude a su habilement faire le lien entre un fond très fort et une forme iconoclaste. La Marseillaise chantée par une Jessye Norman habillée d’un drapeau bleu-blanc-rouge, il fallait le faire ! Nous sommes totalement dans cette filiation. L’autre référence qui vient naturellement à l’esprit, ce sont les J.O d’Albertville et les cérémonies signées Philippe Decouflé. Son univers graphique et ses décors demeurent également mémorables.
Comment se répartissent les rôles entre le directeur artistique Thomas Jolly et vous ?
Thomas et moi nous nous entendons extrêmement bien, avec un niveau de complicité et de confiance qui, plus qu’un atout, est une condition sine qua non pour réussir. Nous avons aussi en partie les mêmes défauts, comme ne pas savoir s’arrêter pour pousser une idée à son meilleur, ce qui peut rendre notre entourage parfois hystérique !
Si l’idée initiale de la cérémonie d’ouverture était la mienne, Thomas (Jolly) a su hisser cette idée deux crans au-dessus.
Si l’idée initiale de la cérémonie d’ouverture était la mienne, Thomas a su hisser cette idée deux crans au-dessus. Aussi, je me bats toute la journée pour lui donner les moyens de cette ambition commune. Comme toute cérémonie, celle-ci s’appuie sur deux jambes, une jambe artistique et une jambe production.
Si nous travaillons beaucoup ensemble sur la cérémonie d’ouverture des J.O, la cérémonie de clôture sera davantage inspirée de la vision et de l’univers de Thomas Jolly. Pour la cérémonie d’ouverture des Jeux paralympiques, nous avons fait appel à un chorégraphe étranger qui gardera notre niveau d’ambition dans le spectaculaire. Quant à la cérémonie de clôture des paralympiques, qui signera la fin de cette parenthèse olympique, elle sera très échevelée et festive.
Et avec les agences d’événements qui vont produire les cérémonies ?
Nous avons procédé à des appels d’offres auprès des agences, tout en leur spécifiant que tout le volet artistique ne relèverait pas de leurs attributions. Elles ont donc en charge la production exécutive des cérémonies. Pour rappel, nous aurons Hopscotch Groupe et un groupement à la manœuvre pour les deux cérémonies de clôture, et Paname 24 pour les cérémonies d’ouverture dans l’espace public. Par ailleurs, j’ai à mes côtés une équipe d’environ 200 personnes qui viennent de l’événementiel, donc à nous tous nous composons une Team incroyable.
Autant d’occasions également de mettre le projecteur, à l’échelle mondiale, sur l’événementiel made in France ?
Je suis en effet hyper fier que les 4 cérémonies soient produites par des agences françaises. Certes, il y avait l’argument de faire appel à ces agences qui connaissent parfaitement Paris, et donc étaient les plus à même de délivrer, mais rappelons que ce marché des cérémonies est habituellement trusté par des agences étrangères.
J’ai passé ma vie à plaider en faveur de l’événementiel grand public, une activité qui, bien gérée, peut être une concurrente à part entière de la publicité.
Demain, les agences françaises pourront ainsi se prévaloir des JOP 2024 pour prendre légitimement leur place dans ce pré carré. Ces Jeux Paris 2024 constitueront à 100% la vitrine événementielle de la France. J’ai passé ma vie à plaider en faveur de l’événementiel grand public, une activité qui, bien gérée, peut être une concurrente à part entière de la publicité. Aussi, n’ayons pas peur d’être créatifs, de s’ouvrir à de nouveaux horizons et d’investir à fond dans l’événementiel.
La rue et le bitume étant vos terrains de jeu événementiels favoris, pour vous cette cérémonie d’ouverture ne pouvait que se jouer dans la ville ?
L’idée de cette cérémonie m’est venue en me promenant le long de la Seine. Quand je suis arrivé sur le dossier des JOP 2024, je voulais avant tout sortir de l’enceinte du stade. Et je ne souhaitais pas investir les Champs-Élysées, car l’idée me paraissait trop convenue. A l’origine, j’avais l’idée de faire remonter la parade des athlètes sur la Seine en direction du Trocadéro, mais Thomas Jolly a imaginé marier ce défilé avec le spectacle. Tout va être totalement mélangé, avec une succession d’une dizaine de tableaux en station fixe dans lesquels défileront les sportifs. Depuis les différents points de vue, chaque spectateur assistera à une partie du show, quand l’intégralité du spectacle sera bien entendu retransmise sur des écrans géants.
Selon vous, y a-t-il de la part du CIO une volonté de rajeunir l’image des J.O ?
Au travers de ces cérémonies, et en particulier celle de l’ouverture des Jeux olympiques, je pense que le CIO voit une ouverture et une forme de renouveau. Ils adorent ce projet, et si je suis encore là c’est parce qu’on nous a donné une liberté folle.
L’avenir des J.O repose sur la manière dont ils pourront rester légitimes aux yeux des nouvelles générations.
Quant à la volonté du CIO de rajeunir l’image des Jeux, sans vouloir parler à sa place, je pense que cela devrait être leur obsession. L’avenir des J.O repose sur la manière dont ils pourront rester légitimes aux yeux des nouvelles générations. Et faire des Jeux dans la ville relève d’une modernité et d’une attitude inclusive propre à sensibiliser les publics et favoriser la passion sportive.
Qu’est-ce que vous aimeriez que l’on dise et retienne au lendemain de cette cérémonie du 26 juillet ?
J’aimerais que l’on dise que la traduction des valeurs que nous portons a été totalement spectaculaire, décalée, iconoclaste, à l’image de tout ce que j’aime de notre pays !
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