C’est parce que l’on ne parle pas trop de la diversité culturelle que l’on arrive à construire depuis 60 ans l’« Europe puissance ». Et c’est parce qu’existent ces profondes différences culturelles que la rationalité à l’œuvre dans l’Europe peut être amortie. L’Europe ne vaut à la fois que par sa capacité de rationalité et par ses différences culturelles. Tel est le paradoxe.
La publicité est un bon lieu de réflexion. Comme partout, la publicité est entourée de suspicion, et en même temps par la diversité des produits et des services, elle est omniprésente. Elle est à la fois symbole de la liberté et perçue comme une menace potentielle. Elle symbolise la consommation et en même temps elle exprime la liberté individuelle. On ne peut s’en passer tout en étant critique. D’où l’intérêt d’un travail de comparaison. Comment se combine, dans ces 27 pays, la liberté et les réglementations ? Jusqu’où les deux ? Quelle cohabitation ? Dix facteurs permettent de comparer le statut de la publicité en Europe.
- La contradiction est indépassable entre la réalité d’un seul marché européen et la réalité de la diversité culturelle. Les goûts, les comportements ne sont pas identiques et pourtant les industries mondiales de la publicité ont besoin de la taille des marchés européens. Rationalité et diversité, standardisation et différences. D’un côté on a besoin du reste du monde, de l’autre de respecter un peu la diversité culturelle. Entre unité et différence.
- L’Europe oblige en permanence à un travail de comparaison. Rien n’est semblable, et pourtant la taille des marchés s’impose. Unité et division sont les deux réalités contradictoires et complémentaires. Et c’est d’ailleurs avec cette limite que l’on fait « le marché commun » et avec ces différences que sont sauvegardées les identités culturelles. La comparaison est souvent la porte d’entrée de la négociation et de la communication, deux grandes valeurs de la démocratie. Comparer, c’est respecter l’autre. On est au cœur de l’incommunication, qui n’est pas l’échec de la communication, mais l’inverse, sa condition. C’est parce qu’on n’est pas d’accord que l’on négocie pour essayer de cohabiter. La publicité est dans cette logique.
- Les différences culturelles sont considérables selon les pays. En taille, puissance, économie, superficie, langues, identités, religions… l’élargissement n’a pas simplifié cette hétérogénéité, sans parler des relations avec l’Europe du Nord et la face Sud de la Méditerranée. Les différences culturelles, linguistiques et religieuses ne sont pas moins fortes. On ne pense ni ne vit de manières similaires au Nord, au Sud, à l’Est et à l’Ouest. Les différences de climat sont aussi des différences culturelles et politiques. On ne consomme pas non plus de façon identique selon les pays ! A fortiori pour la publicité, même s’il s’agit des mêmes produits. Les symboles, les représentations, les clichés ne sont pas identiques, même si toutes ces différences ne sont pas très visibles.
- En Europe, les deux marchés, grand public et celui de l’élite, n’ont pas le même fonctionnement. Les styles diffèrent et sont immédiatement perceptibles. Même si les voitures et les ordinateurs sont les mêmes, tout le reste est différent. Il suffit de regarder les singularités des modes de vie autour des frontières. Jusqu’où peut-on standardiser alors qu’il y a autant de différences ? Plus de 130 millions d’Européens vivent autour des frontières. Tout y est à la fois semblable et différent, mais on ne veut ni remarquer, ni réfléchir à ces ressemblances et ces différences. Seules les études comparatives peuvent analyser les styles et les identités. Tout est différent et se ressemble néanmoins.
- Le problème est celui de l’impact des différences culturelles, des habitudes, des styles, des aménagements urbains ou ruraux, sur le rapport à la publicité. ….