Sa réputation en termes de créativité la précède partout dans le monde. Mais la French Touch événementielle sévit-elle toujours ?
Quand le festival Eubea décerne ses prix européens chaque année, on est au bas mot surpris de voir les agences françaises participer en ordre dispersé quand les agences d’Europe du Nord déboulent en force. Cela n’empêche pourtant pas les premières de repartir les bras chargés de trophées, à l’instar de l’édition 2016 où, sur les 5 agences françaises en shortlist, 4 d’entre elles (Magic Garden, Auditoire, Lever de Rideau et FC2) sont reparties primées. Sauf à considérer que ce type de remises de prix relève du concours de l’Eurovision où la diplomatie a son mot à dire, on constate donc que les Français ont toujours la cote.
La prime à la créa
Les clichés ont la vie dure dans le secteur événementiel comme ailleurs, Si bien qu’il est habituel de dire que les agences françaises font parties, avec leurs homologues italiens, les néerlandais ou encore les suédois, des agences les plus créatives, quand Allemands et Britanniques sont taxés d’une approche mature et plus opérationnelle de la communication événementielle. Rigueur allemande, efficacité anglaise, imagination française… On a déjà entendu cette petite musique quelque part. « Les agences françaises sont très reconnues pour leurs connaissances et leurs ambitions artistiques. Elles ont toujours envie d’aller plus loin dans leur reco, parfois au risque de réinventer la roue d’ailleurs » nous dit un event producer travaillant essentiellement à l’international. Le réalisateur et producteur d’Yvan Hinnemann rappelle pour sa part que les agences françaises ont su surfer sur la vague des années 80, époque faste pour la publicité et la créativité en général. Et qu’elles jouissent de la performance des professionnels français du spectacle vivant et de prestataires internationalement renommés comme ETC ou le Groupe F par exemple.

Savoir vendre une idée…
Selon le bon vieux principe qu’on ne se bat pas contre une bonne idée, force est de constater que les Français font souvent mouche en ayant le concept ou l’idée qui séduit. Reste à savoir se vendre et c’est souvent là que le bât blesse, les Français cultivant une réputation de cherté. « Vous voulez faire fortune, achetez un Français au prix qu’il vaut et vendez-le au prix qu’il pense valoir » ironise notre event producer. Une réputation parfois cultivée par les intéressés eux-mêmes, le prix devant ainsi justifier la valeur. Et cela fonctionne auprès des clients internationaux qui mettront quasi systématiquement une agence française en compétition pour des événements créatifs à gros budgets. « On ne sait pas vendre, ni acheter la créa. Du coup on se lâche en margeant sur les prestataires. » ajoute celui-ci. Des prestataires rarement mis en avant par les agences françaises déplore Vincent Bruneau, fondateur de Magency qui travaille également sur le marché américain. « Aux USA, on voit le prestataire comme un add-on, on co-construit l’événement avec lui, on l’amène lors des présentations clients, alors qu’en France l’agence plugge les compétences des prestataires car elle veut tout intégrer. » Autre faiblesse des agences françaises, la fidélisation des talents. En effet, rares sont les très bons créatifs ou directeurs du développement qui restent longtemps fidèles à leur agence et ne cèdent pas aux sirènes de la concurrence.

… Et savoir s’exporter
Les Français sont bons et ils le savent. Péché d’orgueil ou souvenir d’une gloire passée ? Pour Yvan Hinnemann, « il y a un tassement de la prédominance des agences françaises depuis les débuts 2000. Les autres pays d’Europe se sont organisés et cela a fait naturellement émerger de nouvelles agences européennes. Parallèlement, le nombre d’événements a augmenté. Les sources d’inspiration et les bonnes idées viennent de partout. Ça c’est stimulant ! ». Les success stories françaises à l’export existent, GL events, Auditoire, Richard Attias & Associates sont là pour en témoigner. Manifestory tente à son échelle l’aventure chinoise en exportant ses événements propriétaires. Mais quid des Ubi Bene, Magic Garden et autres Double 2 à l’international ? « Les marchés anglo-saxons nous échappent sans doute par arrogance. On a des talents pour aller à l’export mais on n’a pas forcément les réseaux, le financement, la maîtrise de l’anglais, etc. » indique pour sa part Lionel Malard, fondateur du cabinet conseil Arthémuse.
Alors oui, on a sans doute rien fait de mieux depuis Découflé et la créativité se limite aujourd’hui trop à la technologie, mais si la French Touch événementielle n’est plus ce qu’elle était on sait toujours raconter des histoires, ce qui laisse après tout grand ouvert le champ des possibles…