9 avril 2024

Temps de lecture : 4 min

“Avec Muto, nous souhaitons rééquilibrer l’équation écologique de l’événementiel”

Vincent Raimbault, co-fondateur de la startup Muto, nous relate sa démarche et son engagement en faveur d'un événementiel plus vertueux. Un entretien sans détour !
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Diplômé de Sciences Po, ancien event manager, vous faites partie de cette nouvelle génération qui souhaite penser l’événementiel autrement. Comment l’idée vous est venue de créer Muto ? 

J’ai fait des études en sociologie et anthropologie mais je suis un homme d’action, donc j’ai mis de côté le domaine de la recherche pour m’investir dans le concret. Ayant des appétences pour l’événementiel, j’ai rejoint le média Maddyness où durant 7 ans, avec mon associé actuel Hugues Deschaux, nous avons monté des events parmi lesquels la Maddy Keynote. Nous nous sommes vite confrontés à la complexité des aménagements et décors à chaque fois nécessaires pour proposer une immersion dans un univers ou un concept voulu. Et surtout, nous avons pris conscience du volume de matériaux et matières premières consommés puis jetés, car nous évoluons dans un secteur qui combine à la fois un usage très court de la matière, et des temps également courts des événements réalisés. 

La production de déchets commence pourtant à être prise en compte par la filière ? 

L’événementiel n’est pas pris en considération par les pouvoirs publics comme une filière REP (responsabilité élargie aux producteurs), comme c’est le cas dans beaucoup de domaines. Dans l’absolu donc, quand on est producteur d’événements, on peut tout à fait se laver les mains des déchets que l’on produit.

Rappelons que la loi AGEC est censée contraindre les entreprises à trier leurs déchets, dont ceux issus de leurs activités événementielles

Or, rappelons que la loi AGEC est censée contraindre les entreprises à trier leurs déchets, dont ceux issus de leurs activités événementielles. Il y a un trou dans la raquette événementielle, car chaque partie prenante délègue à une autre la gestion des déchets. On a l’impression que le sujet ennuie tout le monde, aussi cette problématique n’est pas assez soulevée, notamment auprès des donneurs d’ordre qui pensent que leurs events ne produisent pas ou peu de déchets. Sans compter le volet économique d’une production événementielle qui fait travailler de nombreux prestataires. 

Muto s’est donc positionné à contre-courant ? 

Avec mon associé Hugues Deschaux, nous cherchions un service qui n’existait pas donc nous l’avons créé, en nous disant que d’autres organisateurs d’événements devaient partager aussi ce besoin terrain. Nous nous sommes lancés en avril 2022, lors de la reprise post-Covid, tout le marché événementiel avait en ligne de mire la RSE. Deux ans plus tard, Muto montre ce qu’il est possible de faire, nous faisons énormément de pédagogie, tout en ne traitant qu’une partie du volume de déchets événementiels. 

Muto est porté par des annonceurs qui ont des stratégies RSE et qui ont besoin de mettre en place des outils afin d’obtenir des indicateurs de performance environnementale. Cela incite les agences à prendre en compte ce paramètre en amont. Mais en aval de cette chaîne de valeur événementielle, pas grand monde n’a intérêt à ce que Muto se développe. Nous sommes à contre-courant, mais, heureusement, la perception change. 

Le recyclage est-il LA solution pour rendre l’événementiel plus vertueux ? 

Le recyclage est considéré comme la solution miracle, or appliqué à l’événementiel, c’est loin d’être le cas ! Si vous faites une analyse de cycle de vie d’un matériau utilisé sur un event, le recyclage n’est pertinent, écologiquement parlant, que quand il intervient lors de la fin de vie du matériau. Or en événementiel on utilise des matériaux qui ne sont jamais ou très rarement en fin de vie. Si l’on prend le fameux exemple de la moquette événementielle, la plupart des organisateurs disent la recycler, mais c’est faux. Ils achètent de la moquette recyclable mais ne procèdent pas à son recyclage in fine, ce que peut confirmer le principal fournisseur de moquette pour le secteur, qui a même mis en place une filière de recyclage, filière que les clients n’utilisent pas pour des raisons économiques. 

Que deviennent les matériaux que vous récupérez sur les événements ? 

Une fois passée l’étape de la collecte sur site, nous stockons la matière récupérée dans de bonnes conditions puis nous la donnons. Soit les bénéficiaires – des associations et acteurs de l’ESS – viennent directement sur site pour récupérer ce qu’ils souhaitent, soit nous les livrons sur une zone de chalandise la plus proche possible, soit nous stockons mais de manière transitoire. Nous avons désormais 2 espaces de stockage en région parisienne mais qui ne sont pas des magasins dans lesquels on peut puiser. Nous ne sommes pas une ressourcerie culturelle, aussi nous faisons matcher l’offre et la demande en matériaux récupérés grâce à notre plateforme digitale interne.

Nous sommes entreprise à mission, aussi nous donnons gratuitement à nos bénéficiaires et faisons payer les annonceurs en amont.

Nous sommes entreprise à mission, aussi nous donnons gratuitement à nos bénéficiaires et faisons payer les annonceurs en amont. Nous appliquons vraiment le principe du pollueur-payeur, le bénéfice pour l’annonceur étant d’apporter une transparence et de raconter une belle histoire en permettant de servir des associations qui n’ont pas de moyen d’investir dans leurs projets (événements, expositions, constitution de tiers-lieux, etc.). Nous souhaitons ainsi rééquilibrer l’équation écologique de l’événementiel, et nous tenons à notre modèle économique. Certes, nous ne générons pas des millions d’euros, mais Muto a réussi à être à l’équilibre l’an dernier. Et puis notre travail permet de créer de nouveaux usages, c’est très satisfaisant ! 

Sur quels événements récents Muto est intervenu ? 

Dernièrement, des agences ont fait appel à nous pour des exposants du Salon de l’Agriculture. Nous sommes intervenus pour 6 d’entre eux sur le millier d’exposants de l’événement, c’est donc très peu. Pour autant, nous travaillons régulièrement avec le groupe Comexposium pour récupérer les aménagements de leurs espaces communs. Pour traiter les déchets des exposants, il faudrait mettre en place un package à souscrire avec la location de son emplacement. Nous collaborons également énormément avec le groupe Galis, sans doute notre meilleur client. 

En 2024, nous devrions faire une belle année en raison des Jeux olympiques, car même si nous n’avons pas encore la réponse aux appels d’offres, il va se passer tellement d’événements autour du rendez-vous mondial qu’il y aura beaucoup de travail. Par ailleurs, nous sommes désormais subventionnés par l’ADEME et la région Ile-de-France. Enfin, nous ambitionnons de nous développer régionalement, à Lille notamment en fin d’année, et nous allons ouvrir un atelier de menuiserie pour proposer des produits en éco-conception. 

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