Nous avions rencontré Stéphane Fievet, conseiller spécial auprès de la Maire de Paris, chargé des grands événements, l’an dernier à l’occasion de l’émission « L’Événementiel en État d’urgence ». Meet In revient avec lui sur la situation de l’événementiel à Paris.
Meet In : Comment abordez-vous l’événementiel dans l’espace public ?
Stéphane Fievet : La politique événementielle de la ville est au service du projet, plus large, voulu par Anne Hidalgo qui souhaite que les Parisiens se réapproprient l’espace public. Ils ne peuvent pas vivre uniquement entre leur appartement, leur bureau et le métro. Il faut donc repenser et développer cet espace, ce qui passe par un réaménagement de certains sites – comme les berges, les places etc. – et l’animation de ces derniers pour en faire des lieux de vie, ce que contribue à faire l’événement.
M.I. : Développer l’événement dans l’espace public fait donc partie du projet de la Ville…
S.F. : Absolument. Il faut qu’il y ait plus d’événements. Nous avons eu une inquiétude après les attentats, mais les efforts menés conjointement par la ville et les acteurs du tourisme pour rassurer le public nous ont permis de maintenir la dynamique et même d’établir un nouveau record de fréquentation au premier semestre 2017, avec 16,4 millions de visiteurs. En matière d’événements, la dynamique est bonne mais la situation est complexe du fait de l’augmentation des demandes d’organisateurs, des nouvelles exigences en matière de sécurité et d’une spécificité qu’on oublie parfois : Paris est une des capitales les plus denses du monde !
M.I. : Peut-on évaluer l’impact des événements (hors congrès et expositions) sur l’activité ?
S.F. : L’exercice est difficile car si certains événements constituent un motif de déplacement (comme la Fashion Week ndlr), une grande partie des gens qui vont à Paris ne vient pas forcément pour une seule raison : elle vient pour le Louvre, la Tour Eiffel mais aussi pour un festival, une grande exposition…
M.I. : A quoi servent les événements ?
S.F. : La réponse est multiple quand on sait que la ville accueille plus de 6 000 événements par an, allant du 31décembre à la brocante de quartier, en passant par les manifestations. Il y a ceux que nous produisons pour animer, servir l’image et/ou porter un message comme Nuit Blanche, Paris Plage ou les Journées olympiques au mois de juin. Pour ces dernières, il s’agissait pour nous d’apporter la preuve de notre capacité à transformer l’espace public pour accueillir le plus grand événement sportif de la planète. Il y a ceux que nous accompagnons parce qu’en phase avec nos convictions, comme Biodiversiterre, trois jours de piétonisation de l’avenue Foch. Il y enfin ce que nous autorisons simplement parce qu’ils font partie de la vie d’une ville (brocantes, marchés, ndlr).
M.I. : Certains organisateurs estiment qu’il est malgré tout plus difficile qu’avant de voir son dossier aboutir, notamment du fait des contraintes de sécurité. Comment expliquez-vous cette divergence de point de vue ?
S.F. : En regardant les chiffres vous constaterez que la ville reçoit aujourd’hui plus d’événements qu’il y a dix ans même si ces derniers temps la tendance est à la stabilité. Comme j’avais eu l’occasion de le dire à l’occasion de l’émission « L’événementiel en État d’urgence », nous sommes toujours demandeurs d’événements, mais il faut bien intégrer le fait que le contexte a changé. Sans céder à la peur, nous devons être plus vigilant. Nous ne pouvons plus faire comme si de rien n’était : les dispositifs doivent donc évoluer, apporter des réponses aux nouvelles contraintes. Nous avons mis en place avec la préfecture de police une démarche commune pour accompagner les porteurs de projets. Souvenez-vous de l’Euro 2016 : les dispositifs ont évolué mais ils ont été maintenus… et salué par tous les observateurs. Les contraintes sont fortes mais il n’y a pas de freins. Tout le monde veut avancer sur ces sujets.
M.I. : Certains doutent aussi parfois de l’objectivité des décisions prises par la ville au terme des appels d’offres. « C’est toujours les mêmes qui gagnent », entend-on…
S.F. : Les règles de nos appels d’offres sont très strictes et je voudrais que les choses soient claires : nous n’avons pas d’abonnement avec une agence en particulier ! Lorsque nous faisons un choix, nous l’assumons : tous les candidats connaissent parfaitement nos critères de choix sur lesquels nous portons un regard objectif. Mais il est évident qu’une partie de notre décision finale intègre aussi une part de subjectivité. A réponse équivalente sur les aspects techniques, nous privilégierons forcément le projet qui nous semble servir au mieux les intérêts de la Ville et de ses habitants. Que cela plaise ou non, certains porteurs de projets sont plus créatifs et pertinents que d’autres.
M.I. : Au-delà du respect du cahier des charges et des contraintes, qu’attendez-vous en particulier ?
S.F. : Il faut de l’originalité, il faut que les agences se lâchent ! Il faut que l’événement ait un impact positif pour les gens. Il faut un enjeu collectif et de partage… Si une marque nous propose ça, nous n’avons pas de raison de non ! Je rappelle d’ailleurs que nous disons plus souvent oui que non : sur 4500 demandes de manifestation, la ville en 2500, la préfecture 1000, soit 3500 événements par an parmi lesquels 200 entrent dans la catégorie des grands événements. Sur chaque week-end de juin, l’espace public accueille en moyenne 250 manifestations dont certaines ont un impact sur l’organisation de la ville et sur celle d’autres événements qui s’y déroulent ! L’encombrement des calendriers est aussi à considérer par les porteurs de projets, tout comme les contraintes de sécurité.
M.I. : Quelles sont les évolutions récentes en matière de sécurité ?
S.F. : l’évolution des pratiques des terroristes (notamment avec les voitures et camion bélier) nous ont incité à mettre en place des dispositifs pour entraver les accès à ces véhicules, soit en installant nous-même des véhicules soit posant des plots en béton généralement utilisés pour les travaux. Ces deux techniques étant efficaces mais assez anxiogènes, nous réfléchissons actuellement à la création d’un mobilier urbain.