12 décembre 2024

Temps de lecture : 4 min

Hôtesses d’accueil : tout sauf des potiches ?

Un documentaire diffusé actuellement sur France.tv donne la parole à des hôtesses d’accueil évoluant sur différents événements. Particulièrement à charge, nous l’avons soumis au regard de professionnels du secteur qui parlent d’une vision passéiste du métier.

Les hôtesses d’accueil sont-elles des potiches souvent malmenées, voire maltraitées, comme l’affirme le documentaire La Révolte des potiches, actuellement disponible sur la plateforme de France Télévisions ? 

“Dans l’événementiel, l’hôtesse d’accueil est chargée de renseigner et d’orienter les visiteurs lors d’une manifestation. Elle représente l’image de la marque.” rappelle en préambule ce documentaire de France.tv Slash, plateforme de contenus qui s’adresse principalement à une audience de Millenials. 

Tout le monde s’accorde pour rappeler qu’effectivement la fonction d’hôtes ou d’hôtesses d’accueil est un métier d’image, et qu’il faut donc être un minimum présentable, comme dans toute autre activité professionnelle, et savoir s’exprimer correctement. “Ce sont avant des bases de l’éducation et de savoir-être’ rappelle-t-on du côté des organisateurs, qui rejettent également la discrimination raciale qui peut être souligné dans le reportage. “Bien sûr que c’est un métier d’image. Mais on a tellement œuvré auprès de nos donneurs d’ordre pour changer les mentalités et la pratique du métier que je ne me sens pas concerné par ce film.” se désole la directrice générale de Mahola, Barbara Grandsire, qui lutte de longue date contre les mauvaises pratiques du secteur.  

Objectivation de la femme ? 

Témoin de ce reportage, Gabrielle Schütz, maîtresse de conférences et sociologue du travail, fait un utile rappel historique. Nous sommes en 1958, à l’Exposition universelle à Bruxelles, quand apparaissent les premières “hôtesses terrestres”, en référence aux hôtesses de l’air. Des agences d’hôtesses se créent alors, à l’origine pour délivrer des cours de conversation, de maintien, etc., afin d’avoir “un métier en plein accord avec sa vocation féminine” précise l’enseignante, également auteure en 2018 de l’ouvrage “Jeunes, jolies et sous-traitées : les hôtesses d’accueil”. C’est alors l’époque des profils très chartés, où les jeunes femmes sont synonymes d’éléments décoratifs ou de potiches, en effet. Une objectivation de la femme qui, à écouter les jeunes femmes qui témoignent, serait encore au goût du jour sur certains events, et qui ne passent plus à l’heure des combats féministes. 

Pourtant, on est loin de l’époque où les hôtesses devaient être obligatoirement perchées sur des talons de 10 cm et habillées de manière suggestive. En charge du Mondial de l’Auto depuis 2022, Hopscotch Congrès délivre comme consigne aux exposants du salon “d’arrêter les mises en avant inutiles, voire dégradantes, des hôtesses d’accueil. Nous l’avons imposé car cette époque est révolue, notamment en Europe. Il peut cependant y avoir quelques discussions avec des marques d’autres continents par exemple, mais on leur fait comprendre qu’il faut s’adapter à nos usages.” témoigne Xavier Mayeur, directeur général du Mondial. Et d’ajouter que parfois “nous voyons passer des briefs avec des demandes que nous jugeons inadéquates, mais nous répondons que ce n’est pas possible.” 

Le temps d’un marché de l’automobile, avec des filles affriolantes et en nombre sur chaque événement ne serait donc plus d’actualité, même s’il reste des exceptions comme lors du dernier salon de la moto à Milan qui glorifiait encore cette année les filles sexies. D’autant plus que les budgets dédiés au hosting ne sont plus ce qu’ils étaient. Mettre des hôtesses partout à 400 ou 500 € la journée, c’est fini, désormais agences comme clients collent au plus près des besoins réels. 

Ecoute et bienveillance 

Depuis 20 ans que je fais ce métier, je n’ai jamais donné de consignes en termes de critères physiques. Au début de ma carrière, je me souviens d’avoir été obligé d’insister auprès de mes prestataires pour que les hôtesses ne soient pas en talons. Tout ceci est aujourd’hui d’un autre âge ! Il faut que nous représentions le monde tel qu’il est ” renchérit Valéry Liénard, directeur associé, en charge des Pôles Évènements & Associations chez Hopscotch Congrès. 

Autre aspect pointé du doigt par le documentaire, la persistance des paroles et gestes déplacés dont peuvent être victimes les hôtesses. En l’espèce, la consigne est à la prise en considération, à l’écoute et à la parole ouverte. Parfois, le simple fait de discuter entre les deux parties permet de démêler la situation. Parfois, il faut aussi remettre à leur place des visiteurs “très lourds” qui se croient encore tout permis. 

Concernant la mixité (le documentaire aurait d’ailleurs gagné à faire aussi témoigner des hôtes), les professionnels soulignent par exemple qu’aujourd’hui “la moitié des équipes sont des hommes. C’est rare que les clients nous demandent uniquement des filles. Mais cela peut encore arriver, notamment pour des événements où l’audience est très majoritairement masculine.” indique Ingrid Fabre Halard, directrice générale de Flux People. Les tenues sont désormais beaucoup plus libres et le port du pantalon pour les filles largement répandu. Il est même fréquent de voir des hôtesses en jeans/basket, du moment que la tenue ne rime pas avec négligé. 

Des conditions de travail jugées difficiles 

Les hôtesses n’auraient pas grand chose, voire parfois rien à faire, souligne le documentaire. “Quand nous quantifions les missions, il faut prendre en considération le cycle de vie de l’événement. Parfois les hôtesses se retrouvent avec beaucoup de travail, et parfois avec des temps morts. C’est normal. D’où l’importance de bien réaliser les briefs en amont et pendant l’événement.” ajoute Xavier Mayeur. 

Et s’il arrive qu’une hôtesse ne convienne pas à la mission établie, il se peut effectivement que le client veuille la changer. Mais attention, rappelle Ingrid Fabre Halard “il y a une journée d’essai, après vous êtes liés contractuellement. Si le client veut une autre personne, il doit néanmoins rémunérer l’hôtesse initialement prévue”. 

Le froid à l’accueil d’une soirée d’hiver ou les fortes chaleurs en extérieur l’été sont aussi pointés du doigt. Parmi les autres points soulevés, les indemnités repas des hôtesses restent insuffisantes, aux dires même des agences spécialisées, mais il y a un barème URSSAF qui ne permet pas d’indemniser en dehors de ce cadre juridique. Autre point d’amélioration : le manque régulier de local ou de vestiaire pour que les hôtesses puissent mettre leurs effets personnels. “Je trouve cela choquant que les hôtesses soient obligées de se changer dans les toilettes sur certains événements. “ s’émeut Ingrid Fabre Halard. 

Enfin, il existe un syndicat qui représente la profession. Le SNPA (Syndicat national des prestataires de services d’accueil, d’animation et de promotion des ventes) a publié l’an dernier une charte éthique, charte dont sont signataires la quasi-totalité des agences référentes du secteur. 

En résumé, ce documentaire, qui aurait mérité davantage de nuances, pointe surtout des pratiques que les professionnels rejettent désormais en bloc. Ce qui ne veut pas dire qu’il ne demeurent pas quelques dérapages, ou plus simplement un manque de considération et d’attention pour souvent de très jeunes femmes qui abordent le marché du travail. Un documentaire enfin qui est surtout le reflet d’un changement d’époque et de mentalité, d’un temps où la femme restait sous l’emprise du patriarcat, et d’un autre où l’on veut faire table rase du passé. 

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