L’impact de la crise du Covid-19 sur le secteur événementiel se mesure chaque jour davantage. Et on le comprend désormais : le déconfinement sera progressif et le retour à une vie normale lointain. Pour la filière qui souffre et a besoin de perspectives, l’heure est à l’adaptation et à la réinvention des modèles.
Si l’allocution d’Emmanuel Macron de lundi 13 avril a marqué les esprits avec l’annonce de la date du 11 mai pour le début du déconfinement, les professionnels du tourisme, de la restauration du spectacle vivant ou encore de l’événementiel ont quant à eux retenu qu’un retour à la normale et une reprise de leurs activités ne seraient pas envisageable avant la mi-juillet. Au mieux…” Notre “vie d’avant” n’est pas pour tout de suite ni probablement pas avant longtemps. Nous allons apprendre à organiser notre vie collective avec ce virus. En vivant dans un quotidien qui sera un peu différent ” avertissait pour sa part le Premier ministre Edouard Philippe dimanche 19 avril. Un Jour d’Après qui ressemblerait au Jour d’Avant ne se dessine donc pas à l’horizon. Parmi les toutes premières industries à baisser le rideau sur l’activité, l’événementiel sera dans les dernières à retrouver le chemin de la pérennité.
Des pertes déjà considérables
Après les reports et annulations des événements professionnels (4 500 événements annulés, 3 200 reportés selon UNIMEV), ce sont les événements grand public qui s’inquiètent pour leur pérennité. On le sait, bon nombre de festivals d’été qui ont dû tirer un trait sur leur édition 2020 (Solidays, Lolapalooza, We love Green, Eurockéennes de Belfort, Hellfest, festival d’Avignon, etc.), des événements attendus de leur public habituel mais aussi des territoires qui les accueillent. Le spectacle vivant musical, en salle ou festival, aurait ainsi déjà perdu 1 milliard de recettes depuis le début du confinement et les assurances ne sont pas au rendez-vous, excluant généralement de leurs contrats les risques de pandémies. Même bilan du côté des manifestations sportives. Compétitions nationales et internationales – dont les J-O de Tokyo – ont tiré les conséquences de cette crise sanitaire sans précédent en reportant leur tenue à une date ultérieure. Et toutes les fédérations sportives s’inquiètent de l’évolution des prochains mois, de revoir les stades rouvrir et surtout se remplir.
Véritable monument national, le Tour de France tire mieux son épingle du jeu avec un départ repoussé au 29 août sur un parcours identique au tracé initial. Outre les enjeux financiers et sportifs de la compétition, c’est aussi l’immense popularité de l’événement qui a dû peser dans la décision de maintenir l’édition 2020. Si tout va bien donc, et malgré des dates en toute fin de vacances scolaires, les cyclistes devraient parcourir une France avide de manifestations collectives. Mais quid des mesures de distanciation sociale, de la gestion des flux, de la célèbre caravane du Tour, etc. ? Du côté des organisateurs et de ses partenaires, on s’active en tout cas pour échafauder différents scénarii.
Une épée de Damoclès au-dessus de la tête des organisateurs
Les pertes financières pour le secteur événementiel se chiffreraient d’ores et déjà à 15 milliards d’euros en termes de retombées économiques. Chaque semaine supplémentaire sans activité met en péril la santé financière des entreprises du secteur et d’une multitude d’indépendants. Tous attendent donc un déconfinement se dessinant en pointillé et avec encore beaucoup d’inconnues, mais la reprise de l’activité événementielle demeure assujettie, au mieux, à la baisse significative de la pandémie durant l’été, ou dans le pire des scénarii, à la confection d’un vaccin à l’horizon de plusieurs mois. A cela s’ajoute une possible stratégie de déconfinement de type “stop & go” où le secteur reprendrait mais avec une épée de Damoclès au-dessus de sa tête. Autre inconnue, comment réagiront les publics lors de la réouverture des lieux de culture, de spectacle et d’événements ? Auront-ils par exemple la même facilité à se rendre sur un salon ou une arène sportive et à passer plusieurs heures dans un espace clos ? Au-delà de la prise de risque individuelle de se rendre ou non sur un événement, il y a la prise de risque des entreprises. Et ces dernières ont considérablement revue à la hausse leurs exigences en la matière, la gestion du risque se faisant plus que jamais en fonction du rapport coûts/bénéfices.
Pas d’événements physiques chez Microsoft jusqu’en juillet 2021
Outre-Atlantique, les multinationales ont d’ores et déjà prises des mesures témoignant de cette politique du risque zéro. Ainsi, Dell supprime toute participation à des événements jusqu’à fin 2020. Microsoft a réévalué la stratégie globale de l’entreprise en matière d’événements physiques et a pris la décision de faire passer tous les événements externes et internes à une expérience numérique jusqu’en juillet 2021. Les événements Inspire, Ignite et Build de Microsoft seront donc dématérialisés et la présence de la marque lors du CES de 2021 annulée. Même décision radicale chez Facebook. Mark Zuckerberg a annoncé qu’il annulait tous les meetings et événements rassemblant plus de 50 personnes d’ici à juin 2021. Il faudra donc surveiller de très près les prochaines décisions des grandes entreprises françaises et européennes.
Quels nouveaux comportements pour s’adapter ?
Dans les entreprises, si après le 11 mai on aura besoin de réinjecter du collectif dans les équipes, de communiquer avec ses clients et son écosystème, il faudra vivre encore avec les gestes barrières, vraisemblablement le port du masque et de nouvelles règles en matière de regroupement dans les espaces communs. La profession et les pouvoirs travaillent actuellement de concert pour élaborer les solutions idoines. Selon Pablo Nakhlé Cerruti, directeur général de Viparis, qui sait que la reprise sera très progressive, les professionnels prennent leur destin en main et travaillent de concert. Par exemple avec le groupe Accor qui élabore actuellement avec Bureau Veritas un label visant à certifier que le niveau de sécurité et des mesures d’hygiène est adapté à la reprise de l’activité.
Inventer de nouveaux formats de socialisation
A contexte inédit, on voit bien que les réponses et solutions doivent l’être tout autant. Aux opérations online organisées en mode “pompiers” en tout début de crise, ont succédé des événements digitaux beaucoup plus élaborés. Cela va perdurer, aussi la plupart des professionnels ont en ligne de mire des événements hybrides, des rassemblements splités en différentes jauges et localisations, quand ils n’optent pas purement et simplement pour du 100% virtuel en attendant des jours meilleurs. C’est le choix fait par exemple par le mythique Burning Man qui nous promet pour fin août un événement repensé à vivre online sur une Playa virtuelle au lieu et place du désert de Black Rock au Nevada. On suivra avec intérêt les nouveaux formats de socialisation créés pour l’occasion, tout comme les transformations du modèle économique de l’événement…