27 mars 2025

Temps de lecture : 4 min

Le détricotage du tissu scientifique américain par l’administration Trump impacte-t-il le secteur des congrès internationaux ? 

La recherche mondiale commence à prendre la mesure des bouleversements actuels et à venir entraînés par les décisions de la nouvelle administration US. Des bouleversements qui ne seront pas sans impact pour l’activité des congrès internationaux. Meet In a interrogé des professionnels qui suivent cette évolution de très près. 

Des milliers de chercheurs licenciés du jour au lendemain, des instituts de recherche fermés, des programmes de recherche stoppés, l’interdiction des recherches sur l’environnement et le climat ou encore la santé, l’interdiction de certains mots et désormais l’interdiction pour les chercheurs fédéraux de parler à la presse et de travailler avec leurs homologues étrangers : la liste des décisions visant à recadrer, voire à museler la recherche scientifique ne cesse de s’allonger de l’autre côté de l’Atlantique. 

Un drame pour la recherche du monde entier. A l’institut Ifremer, le chercheur en biologie marine Fabrice Pernet a indiqué sur les réseaux sociaux que “ce dernier mois et demi, globalement, il n’y a pas eu de communication du tout avec les collègues américains avec lesquels on pouvait avoir l’habitude de communiquer une à deux fois par semaine. Les impacts sont directs, parce qu’il faut savoir que les Etats-Unis sont leaders sur la recherche océan-climat. nous allons continuer avec ou sans eux, c’est quasiment certain, en revanche, on perd un allié et un appui dans la lutte contre le changement climatique et la recherche.”

Inquiétude pour la recherche et son financement 

Outre le changement climatique dont la véracité est niée par le président Trump, ce sont des pans entiers de la recherche scientifique qui sont mis à mal l’Etat fédéral. Interrogé par nos soins, un directeur de société savante et organisateur de congrès, basé à Washington, qui préfère garder l’anonymat, nous indique que l’impact des changements de la nouvelle administration américaine est scruté avec attention. “Nos membres américains nous font part de leurs inquiétudes, notamment en ce qui concerne les changements dans le financement de la recherche et l’impact qu’ils peuvent avoir sur l’achèvement ou le lancement d’études, ainsi que sur les fonds nécessaires pour soutenir le personnel ou participer à des réunions.” Quant aux membres résidant en dehors des Etats-Unis, ils se demandent, toujours selon le chercheur, s’ils devraient participer à des conférences dans le pays, compte tenu de la rhétorique et des actions de la nouvelle administration américaine, qui ne sont pas nécessairement accueillantes, qu’il s’agisse des tarifs douaniers ou des restrictions de voyage. Cela s’est d’ailleurs vérifié la semaine dernière, quand un chercheur français du CNRS atterrissant à Houston pour se rendre à une conférence scientifique s’est vu refuser l’entrée sur le sol américain. 

Pour Arnaud Chouraki, directeur général de MCI France, il y a deux sujets à suivre de près concernant le marché US des congrès. D’une part, les orateurs aux congrès scientifiques, dont beaucoup proviennent des instances gouvernementales, et qui ne peuvent plus participer au nom du gouvernement américain à ces événements. “Désormais, beaucoup s’expriment en tant que simple orateur ou simple citoyen, en revanche il est certain qu’ils ne peuvent plus compter sur des fonds financiers qui ont été stoppés.” D’autre part, il y a une interrogation quant à la participation pérenne des sponsors gouvernementaux de ces congrès, des associations liées au sujet d’inclusion et de diversité, ou encore aux droits de douane qui pourraient toucher les laboratoires pharmaceutiques européens. 

Mais aussi pour la participation aux congrès 

En termes de fréquentation, Arnaud Chouraki rappelle que “dans les associations, n’y avait pas le droit d’envoyer sur des congrès plus de 2% de représentants d’employés gouvernementaux. Mais très souvent, il pouvait y avoir jusqu’à 10 à 15% de visiteurs issus des structures publiques. La question est donc de savoir si les spécialistes encore en poste vont continuer de participer à ces événements. Chez MCI Group, nous pensons que l’impact sur la fréquentation des congrès serait de l’ordre de 1 à 2% pour l’instant, pour éventuellement monter à 5 ou 7%. Pour les mois et années à venir, la grande crainte est de ne plus avoir d’experts scientifiques ou industriels américains sur les congrès, mais aussi moins de sponsors qui participent de manière significative au financement de ces événements.” Pour rappel, l’activité Congrès représente 50% du CA de MCI Group, soit 300 millions d’euros. 

Par ailleurs, quid de l’impact des récentes décisions de l’administration US en termes de contenu ? Selon notre spécialiste basé à Washington “il y aura probablement un impact sur le nombre d’études qui peuvent ou veulent être menées et l’effet d’entraînement pourrait donner lieu à un ralentissement des soumissions d’articles pour publication dans des revues médico-scientifiques, ainsi qu’une réduction des soumissions d’abstracts pour présentation lors de réunions médicales. Et la réduction probable de la production scientifique qui peut être soumise aux congrès, combinée aux réductions de financement, rendra probablement plus difficile la participation des médecins et des scientifiques aux réunions médico-scientifiques, à la fois aux États-Unis et encore plus dans les réunions en dehors des États-Unis.” Enfin, le spécialiste rappelle qu’un nombre non négligeable de post-doctorants et d’autres professionnels en début de carrière et formés aux États-Unis ne sont pas citoyens américains. Leur statut lié au visa peut rendre difficile leur sortie puis leur retour aux États-Unis, ce qui peut avoir un impact sur leur volonté et leur possibilité de se rendre à l’étranger pour participer à des conférences.

Enfin, autre question qui émerge pour les grands congrès internationaux dits “tournants” : faut-il les organiser aux USA en ce moment ? Rien n’est moins sûr, et on peut imaginer que ces grands événements fassent plutôt le choix d’héberger leurs prochaines éditions dans des pays européens. Un moindre mal dans l’incertitude ambiante et peut-être une bonne opportunité de récupérer des talents américains qui seraient davantage en phase avec les pratiques et valeurs européennes. 

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