Petite révolution au Medef avec le reformatage de ses Universités d’été. Ce moment fort de l’organisation patronale qui marque la rentrée économique et politique du pays se posera sur la pelouse de Longchamp les 28 et 29 août prochains. Échanges exclusifs avec Fabrice Le Saché, porte-parole et vice-Président du Medef et Frédéric Bedin, Président du directoire d’Hopscotch Groupe, agence qui orchestrera le nouvel événement.
Meet In : Lors de ses Universités d’été de l’an dernier, le Medef fêtait ses 20 ans dans un climat jugé serein. Quelle tonalité souhaitez-vous donner à l’événement en 2019 qui prend désormais le nom de Rencontre des Entrepreneurs de France (REF) ?
Fabrice Le Saché : Une tonalité plus dynamique: plus de contradictoires dans les débats, plus de formats ateliers, plus de thèmes découvertes, plus de chefs d’entreprises du réseau, plus de contacts d’affaires, plus de convivialité et plus d’ouverture à l’extérieur. Nous gardons le meilleur des Universités d’été, à savoir des personnalités de haut niveau, des intervenants de tous les horizons, une capacité à étonner ou faire réfléchir, une présence forte de médias/influenceurs pour l’événement qui fait la rentrée.
MI: Cette année, vous quitterez Jouy-en-Josas pour investir la pelouse de l’hippodrome de Longchamp. Vous souhaitez rompre avec l’image élitiste du campus HEC et donner une dimension davantage inclusive à l’événement ?
FLS : Ce n’est pas tant l’image d’HEC que la volonté d’ouvrir fortement notre événement annuel à un public plus large. Longchamp est doté d’une forte capacité d’accueil avec au cœur un bâtiment contemporain signé Portzamparc, fonctionnel et flexible pour développer de nombreux formats nouveaux. Jouy-en-Josas était finalement Paris sans l’être. Nous relocalisons à Paris intra-muros, ce qui facilite l’accessibilité, mais nous gardons l’aspect estival en implantant l’événement au cœur du Bois de Boulogne avec vue sur la Tour Eiffel et proximité de La Défense et des quartiers d’affaires de l’Ouest parisien. Longchamp est aussi un lieu d’accueil qui se réinvente : accueil des Solidays, du pape François, défilés de mode, etc., c’est aujourd’hui un espace hybride avec des prestations de très haute qualité. Enfin, quitter HEC c’est aussi un symbole, comme celui de changer de nom. Aujourd’hui le savoir n’est plus seulement localisé ou transmis à l’université. Il est partout : dans les entreprises, dans la formation continue, dans les initiatives de la société civile. Ce sont ceux qui entreprennent qui peuvent contribuer à changer le monde.
MI : L’équilibre entre égalité et inégalités sera au cœur des débats de ce rendez-vous reformaté. Comment procéder pour le rétablir au regard des fractures actuelles dans le pays ?
FLS : C’est un sujet passionnant qui doit nous permettre de dépasser les clichés pour comprendre des réalités complexes. La France est l’un des pays les plus redistributifs. Nous avons la première dépense publique au monde (57% du PIB), nous avons un des plus forts rééquilibrages de richesse par l’impôt (l’écart entre les 10% les plus aisés et les 10% les moins aisés passe d’un rapport de 1 à 23 à 1 à 5 après imposition), nous sommes sur le podium des dépenses de santé et nous consacrons plus qu’aucun autre aux retraites. Ces chiffres seuls ne permettent pas d’expliquer le sentiment d’injustice réel de certains de nos concitoyens. L’égalité des chances ne fonctionne pas en France. L’ascenseur social est en panne et certaines catégories de notre population se sentent assignées à l’immobilité sociale. Il y a également des fractures territoriales fortes liées à la désindustrialisation des 30 dernières années et à la métropolisation ainsi que des problématiques de pouvoir d’achat liés aux dépenses incompressibles comme le logement ou la mobilité. Il y a enfin un sentiment de rapidité et d’évolutions technologiques qui laissent certains sur le bord du chemin. Le rôle du Medef c’est la réussite collective; celle de tous les secteurs, de toutes les entreprises, et celle de notre pays. La Rencontre des Entrepreneurs de France est une occasion de réfléchir, de partager nos expériences, d’agir ensemble et de montrer que nous avons des solutions à proposer pour les grands défis qu’ils soient sociaux, économiques, environnementaux ou technologiques.
MI : Le public attendu cette année sera différent, élargi. Qu’attendez-vous de cette ouverture ? Que seront pour vous les facteurs de succès de la manifestation ?
FLS : Si chaque participant peut repartir de La REF en ayant le sentiment d’avoir découvert quelque chose ou d’avoir rencontré quelqu’un qui lui permette d’engager des actions lorsqu’il revient dans son entreprise nous aurons gagné. Nous souhaitons être utile. Nous souhaitons que nos réflexions se traduisent dans le quotidien de nos entreprises. Nous souhaitons que des coopérations se nouent en marge de cet événement, que des partenariats se créent, que des entrepreneurs jettent les bases de nouveaux projets.
MI : Il revient à Hopscotch Groupe de prendre en charge l’organisation, la production et la commercialisation de ces rencontres. Quel va être le fil rouge qui guidera l’agence ?
Frédéric Bedin : L’université d’été du Medef est un événement qui inspire le respect, il faut donc en conserver l’ADN, tout en essayant de le moderniser, y insuffler les ingrédients du succès sur les réseaux sociaux et l’ouvrir à des publics qui pouvaient s’en sentir exclus, souvent à tort. Cet événement de rentrée doit aussi assumer d’être un rendez-vous de networking et de business en plus d’un moment politique intense.
MI : Vous vous chargerez également de la commercialisation de l’événement. Quel est son modèle économique ?
FB : Le projet est que le plus possible d’entreprises, de fédérations et de territoires puissent organiser leur « événement dans l’événement» avec des prestations de restauration de tous les niveaux de qualité, des espaces différents pour recevoir, exposer, célébrer. En pratique, il y aura un programme IN et un programme OFF, largement ouvert. Pour en faire un lieu d’accueil agréable nous allons aussi multiplier les espaces de convivialité, les bars, restaurants etc…en espérant que cela retiendra les participants plus longtemps !
MI : Vous défendez de longue date l’importance du marketing de communautés et des outils événementiels pour faire vivre celles-ci. Est-ce que la communauté des patrons français ne doit pas faire son aggiornamento en s’ouvrant davantage, et pas seulement aux startups ?
FB : le monde patronal est déjà très ouvert sur l’innovation, le monde politique, les média, mais oui, cet événement sera l’occasion de démontrer que les entreprises vivent dans des écosystèmes complexes, intégrant aussi les artistes, les philosophes, des créatifs et comme nous sommes dans un haut lieu de l’équitation et du cyclisme, du sport !
MI : Le mot d’ordre est également à un événement au contenu plus prospectif, plus diversifié, voire plus festif, propre à mobiliser les jeunes entrepreneurs et à « rafraîchir » l’image du Medef ?
FB : En lien avec le discours actuel du Medef, nous aurons à cœur de faire coïncider la forme avec le fond. J’ajoute que cet événement sera pensé avec les meilleures pratiques de l’éco-conception, là aussi le Medef peut montrer l’exemple.
MI : Finalement, le Medef ne répond -t-il pas à l’exigence contemporaine d’ouverture, de transparence et de sincérité que les publics attendent des marques et plus largement de tous les parties prenantes de la société ?
FB : Le Medef vit avec son temps, les Universités d’été avaient été conçues pour les média traditionnels, La REF sera en plus un événement pour Instagram, Twitter et Linkedin, les milliers de participants seront les garants de la transparence et de la qualité des débats, y compris en dehors de Longchamp.
FLS : L’ouverture est une nécessité. Nous la vivons au quotidien dans nos entreprises et nous devons aussi la porter dans nos organisations professionnelles. Les défis climatiques, numériques ou la fracture territoriale par exemple, appellent des réponses collectives. Les entreprises ont beaucoup de solutions mais ce ne sont pas les seules. Le dialogue est indispensable pour appréhender la complexité du monde et créer des dynamiques puissantes car reliant des multitudes de savoirs, de pratiques, de visions. La transparence et la sincérité sont les prérequis de ce dialogue que nous appelons de nos vœux et que nous engageons, La REF étant un haut point de cristallisation de celui-ci, sûrement l’un des plus visibles et des plus représentatifs de la volonté du Medef de bâtir des ponts avec l’ensemble de la société.
Propos recueillis par Laurence Rousseau