13 février 2025
Temps de lecture : 5 min
© Sophie Rodriguez
En 2023 et 2024, vous vous êtes immergée dans l’univers du RAID durant 18 mois, rejointe entre avril et juillet par la photographe Sophie Rodriguez. Qu’est-ce qui vous a amenée à faire ce reportage au cœur de cette unité d’élite habituellement très discrète ?
Lors d’un premier reportage (pour Le Parisien weekend) j’avais suivi pendant plusieurs jours les sélections de ces policiers qui aspiraient à intégrer le RAID début 2022. J’avais alors été saisie par la difficulté des épreuves, tant sur le plan sportif et physique que sur le volet psychologique. Les candidats devaient tout supporter et démontrer leur endurance au stress, leur résistance à la fatigue extrême tout en conservant leur parfait discernement et une analyse pointue des situations auxquelles ils devaient faire face lors des multiples exercices, de jour comme de nuit. Des épreuves qui testaient aussi leurs « phobies » et leurs réactions face à la claustrophobie, au vertige, etc. Mais après ces quelques jours de reportage, j’avais surtout envie d’en savoir plus et de découvrir ce que ces policiers, une fois sélectionnés, auraient à effectuer comme missions, métiers, interventions. Car le RAID n’est pas mobilisé uniquement lors des attentats d’ampleur ou des prises d’otages très médiatisées. Il intervient plus de 1500 fois par an en métropole, en outre-mer ou même parfois à l’étranger pour diverses missions!
Vous avez assisté notamment à la sécurisation des grands événements qui ont jalonné ces 18 mois d’une manière assez inédite. Lesquels?
Oui, comme le RAID savait que les années 2023 et 2024 allaient être très denses en termes d’activité, nous avons imaginé qu’il serait intéressant de les suivre lors d’une immersion très longue pour découvrir toutes les facettes de leurs métiers méconnus du grand public et notamment pendant les grand événements : Coupe du monde de rugby, déplacements du Président de la République ou de ses homologues en France (pape François, Charles III, Joe Biden), arrivée de la flamme olympique à Marseille, 80ème anniversaire du débarquement de Normandie, Jeux olympiques et paralympiques de Paris…
Est-ce que ces événements hors-norme font l’objet d’une préparation ou formation particulière de la part du RAID ?
La préparation du RAID pour les JO a duré près de deux ans. Le commandement du RAID a travaillé sur la manière dont devait être orchestrée la sécurisation, a anticipé tous les scénarios d’attentats et de menaces imaginables. Et a surtout -pour la première fois- travaillé conjointement avec les deux autres forces d’intervention que sont le GIGN et la BRI. Les opérateurs se sont encore plus particulièrement entrainés aux « tueries de masse », attentats d’ampleur, prises d’otages dans les transports (métro, TGV, aéroports) ou même aux dangers des engins explosifs improvisés et des risques nucléaires, radiologiques, bactériologiques et chimiques (NRBC). Sur le terrain opérationnel, en plus de leurs interventions habituelles, ils ont aussi participé à de très nombreuses interpellations dans le cadre du plan « place nette XXL », urgence attentats mis en place sur tout le territoire quelques mois avant les JO. Puis, pendant les épreuves et la compétition, les opérateurs du RAID étaient en « réserve d’intervention » dans les stades et au village olympique. Ou encore sur la Seine lors de la cérémonie d’ouverture des JOP le 26 juillet.
Vous retracez également un match de rugby au Stade de France où des membres du RAID sont présents, comme d’autres forces de police. Travailler dans une enceinte, un espace clos, change-t-il la donne pour eux ?
Oui, les stades et espaces fermés sont a priori plus aisés à sécuriser car déjà bien connus des services de police et notamment des opérateurs du RAID, puisqu’ils y sont postés en réserve d’intervention lors de chaque très grand match ou grand événement surtout quand le président de la République est présent. Ils connaissent parfaitement les lieux, les équipes de sécurité en place, le fonctionnement des sites et ont des protocoles de confinement ou d’évacuation rodés puisqu’ils s’y entrainent régulièrement. C’est aussi pourquoi la sécurisation des JOP, dont les compétitions et les différentes cérémonies étaient organisées pour la première fois à ciel ouvert, ont été préparées plus de deux ans à l’avance par les forces d’intervention spécialisées qui devaient appréhender les risques d’attentat et de menace majeure, proposer des solutions aux organisateurs et entraîner leurs hommes à tous les scénarios. Mais ces lieux a priori « ouverts » ont en réalité été « verrouillés » en amont par tout un processus très strict de contrôles et d’accréditations et une très forte présence policière.
Les événements se multiplient, notamment dans l’espace public. Le RAID est-il, de fait, sur-sollicité ?
Ces deux dernières années ont en effet été denses en organisation d’événements internationaux en métropole. Le RAID est avant tout mobilisé en cas de menace majeure et de contre-terrorisme. Mais il n’a pas pour autant augmenté ses effectifs, car sa priorité est de ne recruter que les meilleurs opérateurs dans les rangs de la police nationale. Les effectifs ne changent donc pas mais oui, les événements et sollicitations du RAID ne cessent de croître car en sus de sécuriser les grands événements, l’unité doit aussi continuer d’intervenir pour ses missions quotidiennes et habituelles : interpellations à domicile d’individus ultra dangereux, missions à l’étranger, violences insurrectionnelles, formation des autres unités d’élite à l’international, etc.
Y a-t-il des femmes au sein du RAID?
Oui, il y a d’abord la commissaire Marie Elodie Poitout, cheffe de toute la zone Sud du RAID, mais aussi quelques négociatrices, des médecins ou des agents administratifs. En revanche il n’y a pas encore d’opératrices parmi les « hommes en noir », aucune policière n’est encore parvenue à réussir la totalité des si redoutées épreuves de sélection.
Dans l’univers de l’entreprise, on évoque régulièrement l’esprit d’équipe, voire d’esprit de corps, comme gage de succès et de motivation. Le RAID en est-il un bon exemple ?
Oui, d’ailleurs de très nombreux anciens chefs du RAID, ex-négociateurs ou opérateurs l’ont maintes fois raconté dans des ouvrages ou ont monté leurs sociétés de conseil en management pour les entreprises. Cet esprit d’équipe, comme l’humilité, sont identifiés et recherchés dès les premières épreuves des sélections. Un candidat qui réussirait haut la main les très éprouvantes épreuves physiques mais serait individualiste, arrogant, trop compétiteur ou tête brûlée serait immédiatement éliminé. Cette part de psychologie est vitale au RAID, car quand une colonne d’opérateurs intervient sur le terrain c’est toujours en cas de force majeure (forcené, attentat, prise d’otage) et de grand danger. Et, avoir l’esprit d’équipe est essentiel. C’est une question de vie ou de mort pour les otages, les victimes et les hommes du RAID eux-mêmes. En entreprise, cela peut se traduire et se démontrer à travers des stages de cohésion, des formations à la gestion du stress ou des situations de crise. Il existe même un diplôme de l’université Panthéon Sorbonne délivré en partenariat avec le RAID sur la gestion des crises. Et les maires, par exemple, ou les chefs d’entreprises peuvent aussi être formés par le RAID pour faire face aux menaces auxquelles ils ont parfois été confrontés ces dernières années (violences, prises d’otages, extorsions, etc). Enfin, évidemment les services de sécurité et de sûreté de toutes les grandes entreprises, mais aussi de tous les grands lieux publics (musées, parcs d’attraction, transport, etc) sont aussi très proches des unités d’intervention spécialisées et travaillent régulièrement ensemble pour anticiper toutes les formes de menaces.
Après ces mois auprès de ces professionnels, qu’est-ce qui vous a le plus impressionnée et marquée ?
En tant que journalistes, nous avons vécu des moments historiques inoubliables aux côtés des opérateurs du RAID, comme cette soirée du 26 juillet sur leurs bateaux d’intervention au pied de la Tour Eiffel. Mais leurs missions quotidiennes sont aussi exaltantes (interpellations, entraînements, négociation, tir). Ces policiers que la France confond souvent avec leurs homologues du GIGN ou de la BRI sont les plus secrets et méconnus des Français et exercent au sein du RAID des missions et des métiers insoupçonnés. Ils veillent réellement dans l’ombre sur les citoyens tout en restant extrêmement humbles et préparés à intervenir sur toutes les situations les plus dangereuses à n’importe quel moment. Cette immersion a avant tout été une très grande et belle aventure humaine.
“18 mois avec le RAID” de Sophie Stadler (textes) et Sophie Rodriguez (photographes), 256 pages. Editions de La Martinière.
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