Que retenir du dernier SXSW ?

Cela fait maintenant 10 ans que nous allons à Austin pour suivre l’événement South by Southwest® (SXSW). Chaque édition amène son lot de surprises. Il y a 2 ans, les maîtres mots étaient “Métaverse & Web 3”. L’année dernière, c’était “AI, be aware !”. L’édition 2024 a été singulière et a marqué un plateau, enfin un faux plateau car au fond, c’est le calme avant la tempête. Un nouveau tsunami digital Formule Enrichie est à l’œuvre.

Le calme avant la tempête, c’est-à-dire ?

Et bien, les entreprises ont la “gueule de bois” saoulées par des cocktails d’IA pimpés avec des incertitudes internationales géopolitiques, économiques et sociales. “Kevin, mets-moi des paillettes dans les yeux” ou plutôt “SXSW, mets-moi des paillettes dans les yeux” n’était pas d’actualité. Agissons au présent ! Le futur arrivera bien assez vite ! Aucun retour en arrière possible et les technologies exponentielles accélèrent notre quotidien. 

L’IA envahissante

Les GAFAM étaient présents. GAFAM en mode hyperscalers, ces sociétés qui fournissent des services cloud puissants, ont fait acte de présence, ont communiqué mais sans donner de visions ou d’informations ultra-stratégiques… sauf Microsoft qui profite d’un momentum avec notamment OpenAI et Copilot. Microsoft bénéficie d’un bundle “software + services + hardware” sans équivalent sur le marché.

Ce qui lui permet de donner quelques insights sur les 10 usages de l’IA générative sur Copilot à date : 

1. Générer des contenus et design
2. Traduire en instantané
3. Accélérer l’automatisation des processus
4. Détecter les fraudes
5. Personnaliser son marketing
6. Prédire ses analyses et prévisions commerciales
7. Créer des chatbots et assistants virtuels
8. Générer des contenus créatifs
9. Faciliter l’innovation de produits et services
10. Améliorer la recherche et les diagnostics médicaux

L’IA, c’est aussi du hardware. Sans hardware avec une grande puissance de calcul, pas d’IA. Ils sont tous venus pour se montrer : NVidia, AMD, Intel, Dell, … L’annonce qui nous a marqué : le PC “AI ready”, le PC avec de l’IA en natif. Evoqué au SXSW… et lancé par Microsoft dans la foulée sur des modèles Surface PC avec un bouton Copilot intégré !

En passant, notez que les grandes nouveautés sont maintenant plutôt annoncées dans des évènements propriétaires par les marques et de moins en moins durant des évènements globaux (SXSW, CES, Web Summit, …). Exemple : l’exceptionnel Keynote NVidia juste après le SXSW (https://www.nvidia.com/gtc/keynote/). 

Impossible d’évoquer “hardware + IA” sans évoquer une pépite française à suivre de près : Enchanted Tools(https://enchanted.tools/). Découverte l’année dernière, cette société a remporté l’award du product design” pour “Miroka Prototype : a Robot with Character”. Awesome. 

Pourquoi cette folie des robots + IA ? Parce que, pour que l’IA passe au niveau supérieur de connaissances, elle doit pouvoir se mouvoir dans le monde des humains pour mieux le percevoir et interagir avec son environnement.

Ceci dit, cette IA omniprésente nécessite un regard critique et une vigilance sur divers sujets : 

• Le 100% data-driven sans supervision humaine est – il possible ? Air Canada en a fait les frais avec un bot de service client qui a inventé une règle favorable à un client qui n’existait pas. Conséquence : le voyageur lésé a traîné Air Canada devant les tribunaux et vient de gagner son procès
• Quid des biais dans les algorithmes ? Trop facile de blâmer l’IA pour ses failles. Tout dépend des données d’entrée et de l’algorithme développé par les Humains. L’IA ne fait que calculer à partir d’informations fournies. 
• Quelle éthique pour le marché de l’emploi ? L’éthique renvoie aux actions volontaires des humains pour un monde meilleur. Tout est à réinventer !
• Ecologie : le coût écologique de l’IA est fort… mais il existe des solutions en mettant notamment le progrès technologique au service de la planète (des IA moins gourmandes en énergie grâce à une meilleure qualité de code par exemple) 

Marek Kowalkiewicz nous met en garde face aux Digital Minions, ces algorithmes, ces agents créés avec l’IA au service des humains. Les Digital Minions, ces petits êtres sont sympas… mais ils peuvent déraper et tout casser.

La grande convergence NBIC

NBIC ? Cet acronyme barbare depuis des décennies prend forme grâce à la convergence des Nanotechnologies (infiniment petit), de la Biologie (la fabrication du vivant), ‘Informatique” (machines “intelligentes”) et des sciences Cognitives (étude du cerveau humain).

Amy Webb évoque le passage des simples tendances aux “Méga tendances” par leur grande convergence. Au premier rang d’entres elles : la convergence IA + Ecosystèmes connectés d’Objets (IoT en version enrichie) + Biotechnologie

Bon, “Artificial Intelligence”, vous savez de quoi nous parlons.

“Les Ecosystèmes connectés d’Objets” renvoient aux objets connectés qui collectent des informations ET qui agissent en notre nom pour nous simplifier la vie.
Exemple de “connectable” : le Rabbit R1, un assistant personnel d’IA générative d’actions (199$ sans abonnement) capable de vous générer des propositions et de passer commande pour vous. Comme une agence de voyage par exemple, il peut vous proposer un itinéraire en fonction de vos centres d’intérêt et préférences, vous faire des propositions alternatives avec des offres de prix et valider vos choix…

“La Biotechnologie” est un sujet de recherche majeur en exploitant le bioengineering pour faire évoluer les LLM, générer une nouvelle forme de biomédecine, aller encore plus loin dans le décodage de notre génome (DeepMind GNoMe) et bien entendu le Bio-computer exploitant des neurones humain dont nous entendons parler depuis quelques années…

De l’ère de l’IA générative vers celle de l’OI !

Amy Webb nous parle d’une mégatendance qu’elle nomme OI : Organoid Intelligence

Le Reboot marketing

Nous sommes exposés à plus de 5000 messages marketing par jour. Dans ce contexte (é)mouvant, comment s’y retrouver ? Difficile… Les sujets marketing / communication ont été dévorés par l’ogre IA. Les pros du marketing et de la communication ont perdu leurs repères. Ils sont déboussolés face à “la fin de…”. La fin des… réseaux sociaux, du référencement, de la publicité en-ligne comme ils les connaissaient. Bien sûr, il est important de jouer sur l’émotionnel et le storytelling mais, et après ? 

Nancy Harhut a proposé une conférence éclairante sur les “15 techniques contre-intuitives à utiliser en marketing”.
Parmi les 15 techniques présentées, évoquons 3 techniques tirant profit des biais cognitifs humains : 

• Message : Dire aux potentiels clients qu’ils n’ont pas besoin d’acheter sachant que le biais d’autonomie renforce le faux libre-choix d’acheter
• Pratique : Faire des fautes d’orthographe pour créer l’émotion et attirer l’attention
• Pricing : plutôt que de faire des discounts sur un produit, proposer d’en gagner

Le fondateur de Patreon a été particulièrement inspirant lors d’un keynote “Death of the Follower & The Future of Creativity on the Web”. Il part de son parcours professionnel pour expliquer l’évolution des industries créatives. Les plateformes ont permis de démocratiser la créativité. Les créateurs y ont trouvé des lieux digitaux de rayonnement et d’expression. Il y a 11 ans, il fonde Patreon sur le concept de “True fans”, les fans les plus engagés, ceux qui sont prêts à payer pour être en relation avec leurs créateurs préférés. Sauf que maintenant, le diktat des algorithmes des réseaux sociaux a remis en cause l’exposition des créateurs. “C’est plus comme avant” d’où la fin des followers classiques. Il donne 3 conseils aux créateurs : 

• Concentrez-vous sur les vrais fans et les connexions profondes
• Créez des contenus beaux et impactants en gardant la vision initiale intemporelle
• Ayez confiance dans votre sens créatif… sans être esclave des algorithmes

Mention spéciale pour une approche hybride Marketing / IA&Data / Enjeux sociétaux proposée sous la forme du Datawagashi. Qu’est ce que le Datawagashi ? Le fait de matérialiser les préoccupations climatiques sous forme de desserts japonais en mettant en scène les datas. Résultat : des desserts qui sollicitent les sens afin de permettre de prendre conscience des sujets ô combien concernants.

Exemple de modélisation alimentaire : Comment la chaleur des océans, la masse de glace arctique et le niveau de CO2 de la Terre ont-ils évolué au cours des 60 dernières années ?

https://www.datawagashi.com/sets

Nouveaux mythes et réalités

• Le spatial computing

Test du Apple Vision Pro par Arnaud Winther, membre de The French Crew By South

Le Spatial computing (informatique spatialisée) se matérialise par le casque “Apple vision pro”. Ayant testé moult casques, nous étions sceptiques… Et pourtant, ce casque ou plutôt cet ordinateur spatialisé, ouvre de nouvelles perspectives (expériences immersives dans des magasins, formation continue, …). Bien plus intéressant que prévu !

• Vers l’IA Générale (IAG) ?

Tout dépend de la définition. IAG = une IAG capable de conduire, de traduire en temps réel, de faire la cuisine et de conduire une voiture… ou simplement une IAG capable de répondre aux besoins des humains en complément de l’Intelligence Humaine dans divers contextes avec une certaine autonomie ? Pas clair. Le cofondateur de DeepMind évoque un scénario à 50/50 pour concrétiser l’IAG à horizon 2028. Les chantres de l’IAG prennent des pincettes pour le futur.

• Ordinateurs quantiques

Pour faire simple, 1 ordinateur quantique réalise en 1 seconde ce qu’un ordinateur classique fait en 10 000 ans. Son arrivée est potentiellement prévue vers 2030. Affaire à suivre…

• Vers la fin du solutionnisme technologique ?

Les adeptes du solutionnisme technologique considèrent que les technologies vont résoudrent tous les problèmes de l’humanité. Euh… Il est temps de faire un bilan plus mitigé et plus réaliste. Par exemple, les réseaux sociaux ont de nombreux bienfaits mais avec le recul, la santé mentale des jeunes a été mise à mal par une pratique trop forte et mal encadrée de ces réseaux sociaux. Même Hugh Forrest,Co-President and Chief Programming Officer du SXSW le dit dans sa conférence de clôture : “Nous ne pouvons pas nous permettre de faire les mêmes erreurs avec l’IA qu’avec les réseaux sociaux.”

Tout repose sur les intentions qui se cachent derrière l’utilisation de ces technologies et sur une mise en œuvre responsable et éthique.

Bref, une nouvelle ère commence, ça décoiffe ! Vive “l’AIxponentialité” dans un monde de plus en plus complexe mais une “AIxponentialité” au service du progrès social ! A nous d’en faire bon(s) usage(s).

Article rédigé par le collectif TheFrenchCrew South By composé de Marion Breuleux, Emmanuel Fraysse, Arnaud Winther et Ronny Turiaf 

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