Des organisateurs de salons reçoivent des factures des préfectures de police pour des prestations de sécurité aux abords de leur site sur l’espace public. La tendance s’accélère et pourrait avoir des conséquences économiques pour le marché événementiel.
À l’heure du bilan, les organisateurs du Mondial de l’Automobile 2016 (1er au 16 octobre) ont indiqué « qu’ils se réjouissaient que le plus grand salon de France se soit déroulé dans un climat positif et sans aucun incident à signaler. » Dans un contexte lié aux risques d’actes terroristes, les mesures de sécurité avaient été renforcées dans et aux abords du parc des expositions de la Porte de Versailles. Un dispositif qui respectait les obligations prescrites dans l’autorisation préfectorale avec une sécurité dans l’enceinte du parc gérée et financée par les organisateurs et une sécurité (maintien de l’ordre, protection des personnes…) sur la voie publique assurée par la préfecture de police. Une feuille de route pour le moins conforme. Si ce n’est que la préfecture de police aurait adressé, selon nos informations, un devis d’un montant d’environ 200 K€ aux organisateurs du Mondial 2016. « Lors des réunions de préparation des plans de sécurité du Mondial, la préfecture de police nous a dit qu’elle allait nous envoyer une facture pour régler des prestations des forces de l’ordre à l’extérieur de l’enceinte du parc des expositions, déclare Jean-Claude Girot, commissaire général du Mondial de l’automobile. J’ai clairement signifié que je n’étais pas d’accord. Ces prestations entrent dans le cadre d’une mission régalienne de sécurité et circulation sur la voie publique comme dans toutes les villes. Pourquoi serions-nous un cas particulier ? C’est un non-sens ! S’agit-il d’un impôt supplémentaire que les organisateurs de salons doivent supporter ? ».
D’autres salons concernés
Le Mondial 2016 n’est pas un cas isolé. D’autres organisateurs de salons à Paris et en province auraient également reçu des devis de prestations de sécurité (facturation des suppléments de sécurité) à l’en-tête de la préfecture émis à leur propre initiative après validation des plans de sécurité. Et, cette tendance s’accélèrerait ces derniers temps. La profession s’est emparée du sujet et mobilisée pour résoudre cette question. « Des organisateurs de salons reçoivent des factures de la préfecture pour la mise en place de dispositifs de sécurité à l’extérieur de leur site, relevant donc de l’État. Ces factures de plusieurs milliers d’euros mettent en danger la tenue des événements. Nous avons activé tous les leviers institutionnels et politiques pour résoudre favorablement cette problématique. Les discussions sont en cours, » explique Frédéric Jouët, président d’UNIMEV*. Lorsque les organisateurs de salons font appel aux forces de l’ordre (en dehors des acteurs privés) dans l’enceinte de la manifestation, ils ne remettent pas en cause l’acquittement d’une facture. Ces prestations relevant du décret de mars 1997 : « Le remboursement à l’Etat de certaines dépenses supportées par les forces de police et de gendarmerie dans les services d’ordre lorsqu’ils ne peuvent être rattachés aux obligations normales incombant à la puissance publique en matière de sécurité et d’ordre publics ».
Un sujet qui inquiète la filière
Ce qui pose problème aujourd’hui c’est bien la facturation de prestations des forces de l’ordre sur la voie publique, qui plus est pour des événements dont les organisateurs n’en ont pas fait la demande. Les organisateurs de salons doivent-ils s’acquitter de ces factures ? Quel est leur recours légal ? Plus inquiétant le chantage qui pourrait s’opérer pour obtenir les autorisations relatives à la réalisation des événements se déroulant sur la voie publique. Ces autorisations délivrées par la préfecture pourraient être conditionnées par le paiement de prestations de sécurité. Le sujet est préoccupant dans un contexte où les coûts de sécurité explosent pour les organisateurs d’événements (de +50 à +150%), la fréquentation des manifestations en baisse (de 10 à 15% en moyenne depuis janvier), un business également en baisse et des modèles économiques affaiblis. Des coûts supplémentaires pourraient non seulement remettre en cause la tenue de certains événements et plus largement fragiliser tout un écosystème. De quoi interpeller les représentants de l’Etat qui signaient le 20 octobre dernier au SIAL**, le contrat de la filière « Rencontres d’affaires et événementiel ». Un projet initié par le ministère de l’économie et des finances et du ministère des affaires étrangères et du développement international qui ont mesuré les enjeux en termes de retombées économiques, de développement d’autres filières économiques et de rayonnement de la France et de ses entreprises à l’international. Une première action a été lancée, la création d’un « pack accueil » à destination de 35 salons prioritaires. Parmi les objectifs : améliorer le parcours clients, enrayer la baisse de fréquentation et donc promouvoir les manifestations. Aux parties prenantes de trouver le bon accord pour répondre aux enjeux de tout un écosystème.
*Union Française des Métiers de l’Événement
*Salon International de l’alimentation