Trop haut, trop loin

Il y a quelques jours, l’agence Win-Win annonçait sur ses réseaux sociaux un défilé E-LIVE diffusé depuis une navette SpaceX. Un projet cosmique, prétendument mûri pendant 18 mois. Spoiler : c’était un poisson d’avril. Mais derrière la blague, l’idée n’est pas si farfelue. Car depuis quelque temps, le monde des events multiplie les expériences en lien avec les moyens de transport. Pas pour se déplacer, non. Juste pour impressionner. 

On connaissait les privatisations de rames SNCF pour salons mobiles, business meetings à 300 km/h, ou autres icebreakers entre deux gares. Des événements qui commencent dès le quai, à bord d’un TGV. C’est intelligent, c’est bas carbone, c’est dans l’air du temps. Mais la bataille entre rail et aérien est loin d’être tranchée – et je laisse volontairement de côté ici le sujet des croisières. L’avion conserve son pouvoir de fascination, pouvoir qui a inspiré notamment Coach. Ainsi en 2023, la marque américaine a dévoilé “Coach Airways”, une boutique immersive installée à bord d’un Boeing 747 vintage, cloué au sol en Malaisie. Les visiteurs y accédaient par une passerelle, munis d’un boarding pass, et découvraient des cabines transformées en galerie lifestyle. Un pur fantasme de voyage haut de gamme. Autre exemple très récent avec Sephora. L’agence Nikita Kitchen a carrément transformé un jet privé en salon de coiffure pour le compte de la marque. Une opération ciblée, exclusive, et surtout très instagrammable. 

Mais à force de vouloir tutoyer les cieux, on peut finir par se brûler les ailes. Car ces expériences, aussi bluffantes et impactantes soient-elles, interrogent. Peuvent-elles encore exister sans contradiction, dans un monde où chaque émission de CO2 compte ? Même cloués au sol, ces avions symbolisent un luxe à la fois déconnecté des enjeux climatiques actuels et décomplexé face aux enjeux sociétaux. Pour séduire quelques influenceurs ou clients VIP, on sacrifie parfois la cohérence d’une image de marque. Certes, l’événementiel aime transporter, faire rêver, décaler les perspectives. Mais la véritable innovation n’est peut-être pas de monter toujours plus haut.