Corinne Mrejen, Directrice générale du groupe Les Échos-Le Parisien, évoque pour nous la place et le développement de l’événementiel au sein de l’offre des marques-maisons. L’occasion également d’avoir le ressenti de cette professionnelle qui dirige le groupe média référent du secteur en termes de diversification et d’événementiel.
Meet In : Comment le groupe Les Echos-Le Parisien a adapté et repensé son offre d’événements pendant le confinement ? Quel est le plan pour le futur ?
Corinne Mrejen : Nous avons eu dès le départ l’obsession de mettre en sécurité nos collaborateurs, nos partenaires, et nos audiences (les participants / visiteurs). C’est pourquoi nous avons pris la décision de suspendre l’ensemble de nos événements. En un temps record, nous avons organisé ces changements et reprogrammations. La puissance de nos partenariats et la solidité de notre groupe nous ont permis de mener à bien ces négociations. Notre seconde obsession a été de maintenir la relation avec nos partenaires (sponsors/annonceurs) et de les accompagner. A l’annonce des mesures et du calendrier de déconfinement, nous nous sommes projetés ensemble sur la suite, avec toujours en tête la préoccupation majeure de la sécurité sanitaire.
Cette période, et les bouleversements qu’elle a engendrés, nous a permis d’engager une réflexion en profondeur autour de deux axes majeurs : rechallenger nos écosystèmes historiques existants et requestionner les fondamentaux de l’événementiel. Nous avons eu très vite une intuition forte : nous entrons dans un monde hybride dans lequel le digital va prendre une part croissante, et c’est l’opportunité de repenser nos modèles pour créer de nouveaux relais de croissance. C’est exactement le bon moment pour pivoter, pour actionner le mouvement du « reverse event », où le digital comptera au moins autant que le physique.
Cette accélération de la transformation des usages nous permet d’accélérer nos modèles économiques. Faire pivoter le modèle en capitalisant sur ce qui fait notre singularité, notre force et nous différencie :
- La raison d’être du groupe, notre engagement pour favoriser l’émergence d’une société plus responsable en informant, en mobilisant et en accompagnant les citoyens et les entreprises. L’événementiel est notre catalyseur de mobilisation des communautés.
- La puissance et la confiance de nos médias, plus que jamais des médias de première nécessité. L’évènementiel pour un groupe de publisher comme le nôtre est un prolongement éditorial, un canal de distribution supplémentaire de nos contenus comme le papier ou le numérique. La mise en relation, la création d’expériences singulières, la capacité de cristalliser la mise en mouvement, n’est pas du même ordre lorsqu’elle s’appuie sur des rédactions comme les nôtres.
- Et enfin la richesse de notre expérience événementielle depuis plus de 25 ans, la pluralité des formats proposés (de la grande messe au roadshow, en passant par les Think Tank et les conférences), et le portefeuille de thématiques et communautés que nous animons. Plus de 140 événements sont produits chaque année par nos équipes et dans toute la France.
Le confinement a vu foisonner un grand nombre de propositions inspirantes. Nous avons pu observer, tester et expérimenter (avec la présentation online de deux études avec BETC, et le Club Les Echos devenu le eClub Les Echos, le 19 mai dernier). Nous avons formé nos équipes. Nous sommes prêts pour développer de nouveaux formats à travers lesquels le digital va renforcer le présentiel et inversement. C’est l’opportunité par la forme de repenser le fond.
M.I. : Les événements physiques ont été annulés. Qu’est-ce que le groupe Les Echos-Le Parisien peut espérer en digital, en termes de création de valeurs et de perspective de croissance ?
C.M. : Plus que jamais l’événementiel a une place-clé dans les stratégies de communication des entreprises aux côtés du média et de la création de contenus. En effet, on n’a jamais eu autant besoin de se retrouver pour faire société. Le covid a cristallisé des angoisses et des attentes fortes (besoin d’un service public de qualité, dangers de la mondialisation, bienfait de l’arrêt de la pollution par les voitures et les usines…). Mais les tendances se jouent sur du temps long, et les événements n’en sont que des amplificateurs.
L’accélération est à l’œuvre : plus que jamais, les individus attendent des entreprises qu’elles se mobilisent pour apporter une contribution positive à la société. A nous de leur donner l’opportunité de communiquer sur leurs actions à fort impact collectif. C’est en ce sens que nous avons déjà fait évoluer notre offre événementielle, avec les créations de Médias en Seine et d’InvestirDay (et bientôt les Lundis d’InvestirDay). Avec le nouveau format du Salon du Handicap qui s’élargit à l’inclusion en entreprise et qui devient Inclusiv’Day. Et avec le lancement, en 2021, du Food Summit. En résonnance avec notre raison d’être, ces événements sont de formidables leviers de création de valeur.
Un 2e enjeu de taille nous attend : réunir le meilleur des deux mondes du présentiel et du digital. L’un n’existera plus sans l’autre. Ils vont même se renforcer et se nourrir mutuellement, chacun apportant une valeur spécifique. Unique par son côté « One Shot », le présentiel sera sacré dans son caractère exceptionnel et privilégié. Le digital, lui, sera le socle du lien : il va permettre d’entretenir la relation sur le long terme, de maintenir vivante la communauté. Avec un défi majeur : celui de la création de la rencontre, de la puissance de la relation, mais online cette fois. Une nouvelle chimie des corps à travers les écrans doit être créée grâce à une expérience utilisateur originale : l’extension digitale est une opportunité de faire intervenir des speakers plus facilement, de donner une résonnance à l’évènement plus grande, d’inventer des formats de « networking » plus pointus (thématiques, profils, enjeux). La réussite de la digitalisation ne se fera pas sans une qualité d’exécution irréprochable.
M. I. : Comment l’argent investi habituellement dans les événements en présentiel, est-il « utilisé » aujourd’hui ?
C.M : C’est une fausse idée de penser que le digital coûte et vaut moins cher. Au contraire, la multiplicité de la valeur créée par le digital décuple la puissance événementielle. Si on veut un expérience utilisateur de qualité avec une exécution irréprochable, les coûts du digital sont loin d’être neutres.
Aujourd’hui et demain nos événements seront hybrides avec les coûts de l’événementiel en présentiel et les charges de la digitalisation. Et la valeur pour les entreprises n’en sera que plus grande et puissante.
© Bruno Lévy